CULTURE ET OCÉAN

2,00 

Dans cette édition spéciale, retrouvez une série de reportages sur la vie insulaire réalisés sur l’île de Batz par des étudiantes de la Licence Lettres et Sciences humaines de l’université Paris-Cité.

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Description

Vous tenez entre les mains un numéro spécial de Défriche. Spécial car il a été composé à l’occasion d’un voyage d’études EPIC comme une Expédition Pédagogique Insulaire et Citoyenne. Au jeu universitaire des acronymes, celui-ci nous a porté chance en nous permettant d’obtenir un financement de l’appel à projet Innovations pédagogiques d’Université Paris Cité, puis en agissant comme une formule performative quasi magique. Cette expédition, qui a embarqué quinze étudiantes du parcours Métiers de l’écrit de la Licence de Lettres sur l’Île-de-Batz du 06 au 10 avril dernier, a, en effet, coïncidé avec la tempête Pierrick. Derrière ce sympathique patronyme breton, des vents de près de 130 km/h cumulés à des coefficients de marée de 113, soit les conditions idéales pour assister à des vagues de submersion. Idéales aussi pour mener à bien ce projet qui était
de se confronter à l’épreuve du terrain, se mettre dans les pas de cette ancienne idée humaniste d’une université qui se ferait sur les routes, d’un « savoir grappillé au bord des chemins, cette connaissance acquise par la plante des pieds ou à travers le verre dépoli de son appareil [qui] se mettent tout naturellement en place. »

En des termes plus prosaïques, les étudiantes reporters ont donc beaucoup marché. Elles ont littéralement arpenté cette île où les voitures sont plus rares que les tracteurs, où la route est davantage chemin voire sentier. Elles ont appris la nouvelle mesure des distances, du temps aussi, qui s’écoule plus lentement au gré des horaires de marée, des navettes qui relient en un quart d’heure au port de Roscoff, que les îliens appellent pourtant le continent, voire la France. Tout est plus lent, plus loin et, étrangement, nourrit le sentiment d’être là, bien présent. C’est cette connaissance sensible et personnelle du lieu qui est au cœur de l’exercice du reportage qui lui donnera sa justesse, sa sincérité, sa vérité et osons le bon mot, son sel. Saoulées de vent, d’embruns, de sable, de soleil et de pluie, aveuglées par la luminosité, le regard perdu vers le large, hypnotisées par le ressac, son écume et son bruit ou happées par un petit pan de mur gris granit, le décentrement opère pour nos reporters. Nul besoin de partir aux antipodes pour faire l’expérience de la différence culturelle. Aucun choc, on parle français à Batz, avec une pointe d’accent breton bien acérée c’est tout. Mais on découvre au fil des entretiens et à force de recoupements une île moins monolithique qu’il n’y paraît. Elle est faite de strates, qu’il s’agisse du paysage des dunes de l’est sous lesquelles gît l’ancien village ensablé au XVIIe siècle sous l’effet d’une régression marine ; ou qu’il s’agisse de la population aux origines et aux parcours finalement plus divers que les trois patronymes majoritaires et qui rend plus complexe la réponse à la question « êtes-vous d’ici ? » Quand on trouve la bonne distance, les langues se délient, les histoires affleurent, un monde apparaît avec sa culture intrinsèquement liée à la mer. Le numéro vous propose donc une série de reportages et de portraits pour appréhender non pas la culture océanique, ce serait bien prétentieux, mais ce qu’un groupe de scientifiques américains ont nommé Ocean literacy, une sorte d’alphabétisation menant à une meilleure connaissance des effets de l’océan sur nos pratiques, nos représentations et nos imaginaires. Notre Abécédaire de l’Île-de-Batz comporte donc des entrées sur les
algues, la cuisine, la pêche et le phare, sur la bibliothèque, l’école et le cinéma et sur les contes et le patrimoine. Libre à vous de les lire dans l’ordre que vous souhaitez.

Jean-François Guennoc